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| | Le Monde selon Primelune | |
| | Auteur | Message |
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Primelune Korrigan des bois
Nombre de messages : 30 Date d'inscription : 16/08/2004
| Sujet: Le Monde selon Primelune Lun 27 Juin 2005 - 21:05 | |
| Salut à tous,
pour ceux qui ne connaissent pas ce texte tiré des Feuillets d'Hypnos de René Char :
128
"Le boulanger n'avait pas encore dégrafé les rideaux de fer de sa boutique que déjà le village était assiégé, baïllonné, hypnotisé, mis dans l'impossibilité de bouger. Deux compagnies de SS et un détachement de miliciens le tenaient sous la gueule de leurs mitrailleuses et de leurs mortiers. Alors commença l'épreuve. Les habitants furent jetés hors des maisons et sommés de se rassembler sur la place centrale. Les clés sur les portes. Un vieux, dur d'oreille, qui ne tenait pas compte assez vite de l'ordre, vit les quatre murs et le toit de sa grange volé en morceaux sous l'effet d'une bombe. Depuis quatre heures j'étais éveillé. Marcelle était venue à mon volet me chuchoter l'alerte. J'avais reconnu immédiatement l'inutilité d'essayer de franchir le cordon de surveillance et de gagner la campagne. Je changeai rapidement de logis. La maison inhabité où je me réfugiai autorisait, à toute extrémité, une résistance armée efficace. Je pouvais suivre de la fenêtre, derrière les rideaux jaunis, les allées et venues nerveuses des occupants. Pas un des miens n'était présent au village. Cette pensée me rassura. A quelques kilomètres de là, ils suivraient mes consignes et resteraient tapis. Des coups me parvenaient, ponctués d'injures. Les SS avaient surpris un jeune maçon qui revenait de relever des collets. Sa frayeur le désigna à leurs tortures. Une voix se penchait hurlante sur le corps tuméfié : "Où est-il ? Conduis-nous", suivie de silence. Et coups de pieds et coups de crosse de pleuvoir. Une rage insensé s'empara de moi, chassa mon angoisse. Mes mains communiquaient à mon arme leur sueur crispée, exaltaient sa puissance contenue. Je calculais que le malheureux se tairait encore cinq minutes, puis, fatalement, il parlerait. J'eus honte de souhaiter sa mort avant cette échéance. Alors apparut jaillissant de chaque rue la marée des femmes, des enfants, des vieillards, se rendant au lieu de rassemblement, suivant un plan concerté. Ils se hâtaient sans hâte, ruisselant littéralement sur les SS, les paralysant "en toute bonne foi". Le maçon fut laissé pour mort. Furieuse, la patrouille se fraya un chemin à travers la foule et porta ses pas plus loin. Avec une prudence infinie, maintenant des yeux anxieux et bons regardaient dans ma direction, passaient comme un jet de lampe sur ma fenêtre. Je me découvris à moitié et un sourire se détacha de ma pâleur. Je tenais à ces êtres par mille fils confiants dont pas un ne devait se rompre. J'ai aimé farouchement mes semblables cette journée-là, bien au-delà du sacrifice."
Bonne soirée
Primelune | |
| | | Primelune Korrigan des bois
Nombre de messages : 30 Date d'inscription : 16/08/2004
| Sujet: Poème (Déchirure) Mar 12 Juil 2005 - 18:56 | |
| Madeleine à la veilleuse
par Georges de La Tour
Je voudrais aujourd'hui que l'herbe fût blanche pour fouler l'évidence de vous voir souffrir : je ne regarderais pas sous votre main si jeune la forme dure, sans crépi de la mort. Un jour discrétionnaire, d'autres pourtant moins avides que moi, retireront votre chemise de toile, occuperont votre alcôve. Mais ils oublieront en partant de noyer la veilleuse et un peu d'huile se répandra par le poignard de la flamme sur l'impossible solution.
René Char
Dernière édition par le Sam 20 Aoû 2005 - 16:26, édité 5 fois | |
| | | Primelune Korrigan des bois
Nombre de messages : 30 Date d'inscription : 16/08/2004
| Sujet: Jeune Padawan Mar 12 Juil 2005 - 19:21 | |
| Qu'est-ce que c'est que ce surnom stupide de jeune Padawan que tu m'as accolé ? Je préfère définitivement Rêve de Dragon à Star Wars. Le premier a le mérite d'être un jeu surréaliste, alors que le second ne confine qu'au mercantilisme libéral d'une société rétrograde qui ne s'embarasse pas de la nuance.
Polykromath de Potassium | |
| | | Primelune Korrigan des bois
Nombre de messages : 30 Date d'inscription : 16/08/2004
| Sujet: Léonard Cohen Mar 12 Juil 2005 - 19:49 | |
| Je suis hanté en ce moment par cette chanson de Léonard Cohen :
Everybody knows that the dice are loaded Everybody rolls with their fingers crossed Everybody knows that the war is over Everybody knows the good guys lost Everybody knows the fight was fixed The poor stay poor, the rich get rich That's how it goes Everybody knows
Everybody knows that the boat is leaking Everybody knows that the captain lied Everybody got this broken feeling Like their father or their dog just died Everybody talking to their pockets Everybody wants a box of chocolates And a long stem rose Everybody knows
Everybody knows that you love me baby Everybody knows that you really do Everybody knows that you've been faithful Ah give or take a night or two Everybody knows you've been discreet But there were so many people you just had to meet Without your clothes And everybody knows
Everybody knows, everybody knows That's how it goes Everybody knows Everybody knows, everybody knows That's how it goes Everybody knows
And everybody knows that it's now or never Everybody knows that it's me or you And everybody knows that you live forever Ah when you've done a line or two Everybody knows the deal is rotten Old Black Joe's still pickin' cotton For your ribbons and bows And everybody knows
And everybody knows that the Plague is coming Everybody knows that it's moving fast Everybody knows that the naked man and woman Are just a shining artifact of the past Everybody knows the scene is dead But there's gonna be a meter on your bed That will disclose What everybody knows And everybody knows that you're in trouble Everybody knows what you've been through From the bloody cross on top of Calvary To the beach of Malibu Everybody knows it's coming apart Take one last look at this Sacred Heart Before it blows And everybody knows
Everybody knows, everybody knows That's how it goes Everybody knows Oh everybody knows, everybody knows That's how it goes Everybody knows Everybody knows
Traduction de Jean Guiloineau : Tout le monde le sait Tout le monde sait que les dès sont pipés. Tout le monde roule en croisant les doigts. Tout le monde sait que la guerre est finie. Tout le monde sait que les braves types sont perdus. Tout le monde sait que le combat était arrangé : les pauvres restent pauvres, les riches deviennent riches. Ca se passe comme ça. Tout le monde le sait.
Tout le monde sait que le bateau prend l'eau. Tout le monde sait que le capitaine a menti. Tout le monde a ce sentiment de malaise comme si son père ou son chien était mort. Tout le monde parle seul. Tout le monde veut une boîte de chocolats et une rose à longue tige. Tout le monde le sait.
Tout le monde sait que tu m'aimes, ma petite. Tout le monde sait que tu m'aimes vraiment. Tout le monde sait que tu as été fidèle, à part une nuit ou deux. Tout le monde sait que tu as été discrète mais tu devais rencontrer tellement de gens sans tes vêtements. Et tout le monde le sait.
Tout le monde sait que c'est maintenant ou jamais. Tout le monde sait que c'est toi ou moi. Tout le monde sait que tu vis éternellement quand tu as écrit un vers ou deux. Tout le monde sait que l'affaire est pourrie : vieux Joe le Noir rammasse toujours le coton pour tes rubans et pour tes noeuds. Tout le monde le sait.
Tout le monde sait que la peste arrive. Tout le monde sait qu'elle avance vite. Tout le monde sait comment sont la femme et l'homme nus - comme un objet brillant du passé. Tout le monde sait que la scène est morte, mais il y aura sur ton lit un mètre qui fera voir ce que tout le monde sait.
Tout le monde sait que tu as des problèmes. Tout le monde sait ce que tu as vécu depuis la croix sanglante au sommet du Calvaire jusqu'à la plage de Malibu. Tout le monde sait que ça se sépare : jette un dernier regard à ce Sacré Coeur avant qu'il explose. Et tout le monde le sait.
Primelune
Dernière édition par le Sam 20 Aoû 2005 - 16:18, édité 1 fois | |
| | | laurent Maître de maison
Nombre de messages : 4821 Age : 49 Localisation : Sotteville Date d'inscription : 16/08/2004
| Sujet: Re: Le Monde selon Primelune Mar 12 Juil 2005 - 20:16 | |
| Il faudrait peut-être que tu édites le premier post pour changer de titre, parce que ça n'a plus grand chose à voir avec René Char tout ça. | |
| | | Primelune Korrigan des bois
Nombre de messages : 30 Date d'inscription : 16/08/2004
| Sujet: L'os à moelle Mer 13 Juil 2005 - 0:15 | |
| L'os à moelle
Non, Toutou, tu n'es pas un chien !
Me reviennent des visages et des souvenirs De ces amours passées.
Quand tu gueulais aux abois, la langue pendante, Perdu sur l'infini des plages, tu croyais voir ta mère, Les yeux rivés sur toi.
Non, fidèle carnassier, les joues semées d'écume, L'amour n'est pas mort en ce coeur aux abois.
Tu cours vers la mer, les vagues t'en appellent, La niche aux amours ne sera pas ton dernier trépas.
Ne sera pas ton dernier... tracas.
Mais le fracas de la houle, en ces heures psalmodiées, Te plonge dans l'amer céleste qui t'a renié.
* * *
Tu étais né cabot, on t'as nommé clébard, Mais plus qu'un roquet, tu dégueulais sur l'art.
Ce soir, Toutou, ton heure est venue. A ton regard éteint, sur le dernier rivage, Apparait ton destin.
Là-bas se dessine ton ultime naufrage...
***
Oui, Toutou, tu n'en reviendras point. Là où la vague t'entraîne, nul ne saurait mentir. Les souvenirs s'enchainent, et tu te vois périr.
Ah - De Profundis !! - Que c'est triste un chien qui meurt... Comme un chien.
13 juillet 2005 Lu et écrit bourré
Kali et Primelune | |
| | | Primelune Korrigan des bois
Nombre de messages : 30 Date d'inscription : 16/08/2004
| Sujet: Re: Le Monde selon Primelune Mer 13 Juil 2005 - 1:06 | |
| ( Poème automatique dicté par Primelune )
Je t'aime encore...
Tu hantes mes nuits, comme un jour sans sommeil Tu es le repos des rêves sans pareil
Je te cherche dans l'oubli des femmes rencontrées Dans le silence de chaque mélopée
Tu es l'oubli de ma vie, la femme tant aimée Celle qui jamais ne fût... au terme méprisée
Je donnerais ma vie pour un baiser de toi Je donnerais l'oubli pour que tu te souviennes de moi
J'étoilerai ton corps à la voûte des astres Je braverai la mort jusqu'au dernier désatre
Qu'importe le silence des étoiles éternelles Celles qui jamais ne furent pour moi un seul soleil
Tu es la traverse des chemins Mon amour sans lendemain
Le demain de ma vie, le demain de ma nuit Le demain de ma main, le lendemain de cette main
Cette main que tu refuses, cette main que tu as fui Et qui s'offrait à toi à la croisée des chemins,
Et qui ne fut pour toi qu'un jour sans lendemain
Dernière édition par le Mer 13 Juil 2005 - 13:53, édité 1 fois | |
| | | Primelune Korrigan des bois
Nombre de messages : 30 Date d'inscription : 16/08/2004
| Sujet: Re: Le Monde selon Primelune Mer 13 Juil 2005 - 1:36 | |
| (Poème automatique dicté par Kali)
A toi
A toi qui n'est plus là... A toi qui ne me sais pas...
Je revois des sons, je revois des ombres, Je revois ton odeur dans la pénombre Je revois la joie dans ton regard triste Ton coeur en voyage qui me résiste
La nuit a été longue sous les réverbères La rue et nos paroles se sont évanouies
Tu marches avec moi Mais tu ne me vois pas
Je marche avec toi Et il n'y a que toi
Tu me dis des mots, des mots de tous les jours, Mais tu ne m'entends pas, mon pauvre amour.
A toi qui étais là Et qui ne le savais pas...
Le jour se lève enfin, dans ce jardin Où nos silences s'embrassent Où nos histoires se fânent
Déjà le train s'en va Dans la gare des mémoires Et avec lui l'espoir Puisque tu t'en vas.
A toi qui dors dans mes rêves A toi qui ignores ma vie J'aimerais que tu m'enlèves A ce que je suis.
A toi qui me nies Et me dévores...
Je suis à toi | |
| | | Primelune Korrigan des bois
Nombre de messages : 30 Date d'inscription : 16/08/2004
| Sujet: Re: Le Monde selon Primelune Mer 13 Juil 2005 - 2:17 | |
| ... Et pour toujours
Tes cheveux d'or Ton innocence Ta joie de vivre Et mon absence
Tes éclats de rire Ton insouciance Ta façon d'être En ma présence
Quelques sourires Quelques silences Cette énergie Cette distance
Tu étais là, tout près de moi Et je n'ai pas su te saisir Nous étions là, seuls, toi et moi Tu avais tout pour me séduire
Tes yeux d'azur Pleins de mystère Tes lèvres mûres Douces et austères
J'aurais voulu Leur goût amer J'aurais voulu Naître et mourir
Tu étais là, à mes côtés Et je brûlais de t'embrasser
Mais je suis las de ce souvenir Et pour toujours... Je vais mourir...
Kali
Dernière édition par le Mer 13 Juil 2005 - 13:54, édité 1 fois | |
| | | Primelune Korrigan des bois
Nombre de messages : 30 Date d'inscription : 16/08/2004
| Sujet: Re: Le Monde selon Primelune Mer 13 Juil 2005 - 2:43 | |
| Enigme
Dans le travers de la gueule renversée Broyé comme un balai à chiotte Déjeté, la gueule enfarinée Craché comme un glaviot à fiotte Je suis la haine du prochain ?
Primelune
Je vermicelle ton appendice Je barre l'issue de ton rectum Que je laisse pourir d'immondices Je bave en toi tout mon sérum Qui fera germer tous les vices
Kali | |
| | | laurent Maître de maison
Nombre de messages : 4821 Age : 49 Localisation : Sotteville Date d'inscription : 16/08/2004
| Sujet: Re: Le Monde selon Primelune Mer 13 Juil 2005 - 4:53 | |
| Eh bien on était bien défaits ce soir... | |
| | | Primelune Korrigan des bois
Nombre de messages : 30 Date d'inscription : 16/08/2004
| Sujet: COMPLOT Mar 19 Juil 2005 - 5:01 | |
| ça complote ! ça complote !
l'important, c'est de faire partie du complot...!
Primelune
Dernière édition par le Sam 20 Aoû 2005 - 16:27, édité 1 fois | |
| | | Primelune Korrigan des bois
Nombre de messages : 30 Date d'inscription : 16/08/2004
| Sujet: Léo Ferré Mar 19 Juil 2005 - 8:21 | |
| Je pense à cette phrase de Char qui me semble tout à fait adéquate pour désigner l'engagement de Léo Ferré : "La vie commencerait par une explosion et finirait par un concordat ? c'est absurde." (Feuillets d'Hypnos)
Puis à cette autre phrase de Char, mais pas pour Ferré : "Tiens vis-à-vis des autres ce que tu t'es promis à toi seul. Là est ton contrat." Comment comprends-tu cette aphorisme ?
Primelune | |
| | | Primelune Korrigan des bois
Nombre de messages : 30 Date d'inscription : 16/08/2004
| Sujet: Baudelaire Mar 19 Juil 2005 - 15:07 | |
| Assommons les pauvres!
Pendant quinze jours je m'étais confiné dans ma chambre, et je m'étais entouré des livres à la mode dans ce temps-là (il y a seize ou dix-sept ans); je veux parler des livres où il est traité de l'art de rendre les peuples heureux, sages et riches, en vingt-quatre heures. J'avais donc digéré, - avalé, veux-je dire, toutes les élucubrations de tous ces entrepreneurs de bonheur public, - de ceux qui conseillent à tous les pauvres de se faire esclaves, et de ceux qui leur persuadent qu'ils sont tous des rois détrônés. - On ne trouvera pas surprenant que je fusse alors dans un état d'esprit avoisinant le vertige ou la stupidité.
Il m'avait semblé seulement que je sentais, confiné au fond de mon intellect, le germe obscur d'une idée supérieure à toutes les formules de bonne femme dont j'avais récemment parcouru le dictionnaire. Mais ce n'était que l'idée d'une idée, quelque chose d'infiniment vague.
Et je sortis avec une grande soif. Car le goût passionné des mauvaises lectures engendre un besoin proportionnel du grand air et des rafraîchissants.
Comme j'allais entrer dans un cabaret, un mendiant me tendit son chapeau, avec un de ces regards inoubliables qui culbuteraient les trônes, si l'esprit remuait la matière, et si l'oeil d'un magnétiseur faisait mûrir les raisins.
En même temps, j'entendis une voix qui chuchotait à mon oreille, une voix que je reconnus bien; c'était celle d'un bon Ange, ou d'un bon Démon, qui m'accompagne partout. Puisque Socrate avait son bon Démon, pourquoi n'aurais-je pas mon bon Ange, et pourquoi n'aurais-je pas l'honneur, comme Socrate, d'obtenir mon brevet de folie, signé du subtil Lélut et du bien avisé Baillarger?
Il existe cette différence entre le Démon de Socrate et le mien, que celui de Socrate ne se manifestait à lui que pour défendre, avertir, empêcher, et que le mien daigne conseiller, suggérer, persuader. Ce pauvre Socrate n'avait qu'un Démon prohibiteur; le mien est un grand affirmateur, le mien est un Démon d'action, un Démon de combat.
Or, sa voix me chuchotait ceci: "Celui-là seul est l'égal d'un autre, qui le prouve, et celui-là seul est digne de la liberté, qui sait la conquérir."
Immédiatement, je sautai sur mon mendiant. D'un seul coup de poing, je lui bouchai un oeil, qui devint, en une seconde, gros comme une balle. Je cassai un de mes ongles à lui briser deux dents, et comme je ne me sentais pas assez fort, étant né délicat et m'étant peu exercé à la boxe, pour assommer rapidement ce vieillard, je le saisis d'une main par le collet de son habit, de l'autre, je l'empoignai à la gorge, et je me mis à lui secouer vigoureusement la tête contre un mur. Je dois avouer que j'avais préalablement inspecté les environs d'un coup d'oeil, et que j'avais vérifié que dans cette banlieue déserte je me trouvais, pour un assez long temps, hors de la portée de tout agent de police.
Ayant ensuite, par un coup de pied lancé dans le dos, assez énergique pour briser les omoplates, terrassé ce sexagénaire affaibli, je me saisis d'une grosse branche d'arbre qui traînait à terre, et je le battis avec l'énergie obstinée des cuisiniers qui veulent attendrir un beefteack.
Tout à coup, - ô miracle! ô jouissance du philosophe qui vérifie l'excellence de sa théorie! - je vis cette antique carcasse se retourner, se redresser avec une énergie que je n'aurais jamais soupçonnée dans une machine si singulièrement détraquée, et, avec un regard de haine qui me parut de bon augure, le malandrin décrépit se jeta sur moi, me pocha les deux yeux, me cassa quatre dents, et avec la même branche d'arbre me battit dru comme plâtre. - Par mon énergique médication, je lui avais donc rendu l'orgueil et la vie.
Alors, je lui fis force signes pour lui faire comprendre que je considérais la discussion comme finie, et me relevant avec la satisfaction d'un sophiste du Portique, je lui dis: "Monsieur, vous êtes mon égal! veuillez me faire l'honneur de partager avec moi ma bourse; et souvenez-vous, si vous êtes réellement philanthrope, qu'il faut appliquer à tous vos confrères, quand ils vous demanderont l'aumône, la théorie que j'ai eu la douleur d'essayer sur votre dos."
Il m'a bien juré qu'il avait compris ma théorie, et qu'il obéirait à mes conseils.
Charles Baudelaire (1821- 1867)
Dernière édition par le Sam 20 Aoû 2005 - 16:28, édité 3 fois | |
| | | laurent Maître de maison
Nombre de messages : 4821 Age : 49 Localisation : Sotteville Date d'inscription : 16/08/2004
| Sujet: Re: Léo Ferré Mar 19 Juil 2005 - 16:29 | |
| - Primelune a écrit:
- Puis à cette autre phrase de Char, mais pas pour Ferré : "Tiens vis-à-vis des autres ce que tu t'es promis à toi seul. Là est ton contrat."
Comment comprends-tu cette aphorisme ?
Ca me rappelle une phrase d'une amie : "Regarde une fille comme tu aimerais qu'elle te regarde" Une manière de dire que tout ce que l'on peut obtenir, c'est un peu le fruit de ce qu'on a semé. Mais Char veut peut-être dire aussi que l'exigence que l'on a par rapport à soi, on doit l'avoir aussi par rapport aux autres, et se compter parmi eux. Hum, pas évident... | |
| | | Primelune Korrigan des bois
Nombre de messages : 30 Date d'inscription : 16/08/2004
| Sujet: Re: Le Monde selon Primelune Mar 19 Juil 2005 - 18:23 | |
| Je ne pense pas que ta première réponse est grand chose à voir cette aphorisme. En revanche, ce que ton amie t'a dit, est nourri de bon sens. Des regards semés d'étoiles me reviennent en mémoire, et je préfère garder leurs noms pour moi...
Ta deuxième réponse me semble par contre éminement pertinente.
Polykromath de Potassium | |
| | | Primelune Korrigan des bois
Nombre de messages : 30 Date d'inscription : 16/08/2004
| Sujet: Re: Le Monde selon Primelune Dim 31 Juil 2005 - 19:17 | |
| Salut Laurent,
J'aimerais de faire connaître un poète : Philippe Jaccottet. Voilà une pièce qui devrait t'émouvoir.
Sois tranquille, cela viendra!
Sois tranquille, cela viendra ! Tu te rapproches, Tu brûles ! Car le mot qui sera à la fin Du poème, plus que le premier sera proche De ta mort, qui ne s' arrête pas en chemin.
Ne crois pas qu'elle aille s'endormir sous des branches Ou reprendre souffle pendant que tu écris. Même quand tu bois à la bouche qui étanche La pire soif, la douce bouche avec ses cris
Doux, même quand tu serres avec force le noeud De vos quatre bras pour être bien immobiles Dans la brûlante obscurité de vos cheveux,
Elle vient, Dieu sait par quels détours, vers vous deux, De très loin ou déjà tout près, mais soit tranquille, Elle vient : d'un à l'autre mot tu es plus vieux | |
| | | laurent Maître de maison
Nombre de messages : 4821 Age : 49 Localisation : Sotteville Date d'inscription : 16/08/2004
| Sujet: Re: Le Monde selon Primelune Lun 1 Aoû 2005 - 10:33 | |
| Très beau poème en effet. | |
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| Sujet: Re: Le Monde selon Primelune | |
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| | | | Le Monde selon Primelune | |
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